Un budget de 10 millions débloqué par le gouvernement wallon va permettre à la Wallonie de se doter d’un nouveau supercalculateur dédié à la recherche industrielle.
Dix millions pour un ordinateur... C’est le montant que vient de dégager le gouvernement wallon. Dit ainsi, certains auront vite crié à la folie! Mais ce serait une erreur. Car avec 10 millions, la Wallonie s’offre une rolls informatique, une bécane que les spécialistes appellent: un supercalculateur. Le mot super n’est d’ailleurs pas exagéré pour le désigner. Les ingénieurs du monde de la recherche industrielle l’attendent avec impatience d’ici quelques mois à Charleroi. Ce supercalculateur, c’est l’équivalent de 30.000 ordinateurs personnels, 30.000 coeurs de calculs, une masse totale de 50 tonnes de machines réparties dans des couloirs de racks. On parle de 2 tonnes au m². «C’est tout sauf un ordinateur normal. Il n’y en aura que deux en Belgique. L’autre est situé en Flandre », souligne Philippe Geuzaine, le directeur du Centre de recherche en aéronautique (Cenaero) qui accompagne de nombreuses entreprises dans leurs recherches.
Calculer encore plus, encore plus vite
Mais un supercalculateur, c’est quoi en fait? Basé à Gosselies, le Cenaero exploite depuis 2013 Zenobe, le petit frère du nouveau supercalculateur que le ministre de l’Economie Willy Borsus (MR) vient d’offrir à la recherche industrielle en Wallonie. Avec Zenobe, le Cenaero s’est fait une renommée dans le monde de la recherche en arrivant à simuler et modéliser le développement de futurs projets industriels d’acteurs privés . «Dans le domaine de l’aéronautique par exemple, nous avons travaillé avec la Sonaca sur la masse et le coût de fabrication de leur flap (des pièces de l’aile d’un avion, NDLR). Nous avons réussi à gagner 10% sur le coût matière et sur le coût de fabrication», explique Philippe Geuzaine. Un autre projet de recherche a amené le Cenaero à travailler avec l’agence spatiale européenne sur la modélisation et la simulation des débris des engins arrivant en fin de vie dans l’espace.
Cette expertise, le Cenaero la doit notamment grâce au supercalculateur Zenobe. Alors imaginez avec un successeur deux fois plus puissant. « Plus de puissance va nous permettre de calculer plus vite, de faire des calculs plus volumineux. Un supercalculateur est aussi intéressant quand on travaille à la conception de nouveaux produits, si l’on veut tester une série de concepts.» Un exemple étant souvent plus parlant, prenons le cas d’une entreprise qui veut concevoir une table. «Avec un supercalculateur, on peut étudier les variations d’épaisseurs de la table pour l’alléger. Il est possible de calculer plus de 100 points en même temps.» Bref, un des grands avantages de ce type de machine est qu’elle réduit le recours systématique à l’expérimentation. On peut ainsi mettre au point des avions, des voitures, des médicaments en moins de temps et à un coût plus faible.
Un centre de référence à Charleroi
Pour le ministre wallon de l’Économie, « cet outil de calcul intensif permettra de faciliter les activités de recherche dans de nombreux domaines scientifiques de pointe et de faire le lien avec les supercalculateurs du top mondial dont celui prochainement hébergé en Finlande pour lequel la Belgique est partenaire au travers du consortium européen EuroHPC.» Et de fil en aiguille, Willy Borsus y voit un grand avantage pour les entreprises wallonnes qui «bénéficieront très directement de ce calculateur pour leurs travaux de développement et d’innovation.» C’est le centre A6K-E6K, situé en plein coeur de Charleroi, qui hébergera le supercalculateur d’ici quelques mois. Pour son directeur Abd-Samad Habbachi, cette relocalisation répond à une ambition d’A6K. «Notre objectif est de consolider des outils industriels pour les entreprises sur le site de A6K. Nous voulons êt re un stop shop pour les industriels et les PME. Nous allons concentrer sur 20.000 m² une série d’outils technologiques comme un atelier de prototypage, le Fablab de l’ULB pour les PME et demain le supercalculateur. Notre ambition est d’être l’acteur wallon en termes de centralisation d’outils à disposition des act eurs wallons comme les universités et les entreprises .»
L'Echo - 13 jui. 2020
Abd-Samad Habbachi - François-Xavier Lefèvre